24 février à 18h
Salle des spectacles
Maison de l'Université
10, rue Tréfilerie
Saint-Étienne
Rencontre avec le duo d’artistes stéphanois.
Un collage, une peinture ou un graffiti sur un mur urbain, une anamorphose dans un immeuble vacant, une pièce géante au sol ou sur un toit, une dessin sur un panneau publicitaire : être confronté, dans la ville, aux œuvres d’Ella&Pitr constitue une expérience artistique, à tonalité humoristique, poétique, parfois mélancolique. C’est aussi une expérience urbaine particulière : le rythme du déplacement est ralenti, le regard s’élargit et permet de se questionner sur le bâtiment support de l’intervention, la rue, le quartier et la ville en général.
En s’appuyant largement sur des photographies de leurs œuvres, les animateur.ices de la rencontre avec Ella&Pitr les inviteront à présenter leur parcours artistique et les relations que les artistes entretiennent avec les villes dans ou, plutôt, « avec » lesquelles ils.elles pratiquent.
24 février 2025, à 18h
Salle de spectacle, Maison de l’Université
10, rue Tréfilerie, Saint-Étienne
Entrée libre sur inscription
Modération : Rachid Kaddour (ENSASE) et Christelle Morel Journel (UJM-EVS)
Rachid Kaddour est géographe, maître de conférences à l’École nationale supérieure d’architecture de Saint-Étienne et membre de l’unité de recherche Architecture et transformations. Ses recherches questionnent entre autres les interventions sur les espaces urbains inoccupés, délaissés ou stigmatisés, notamment à Saint-Étienne.
Il porte de ce fait un intérêt aux travaux d’Ella&Pitr, dont deux photographies sont intégrées à l’ouvrage (Dé)construire la ville. Les villes en décroissance, laboratoires d’une production urbaine alternative qu’il a co-dirigé.
Christelle Morel Journel s’intéresse aux logiques de production des espaces urbains, notamment dans les territoires industrialisés. Elle est maîtresse de conférences en études urbaines à l’Université Jean-Monnet de Saint-Étienne, et ses recherches s’inscrivent dans celles du laboratoire EVS (UMR 5600).
Les interventions d’Ella&Pitr à Saint-Étienne et ailleurs ont attiré son attention tant pour ce qu’elles disent de la ville en général que pour la démarche artistique dans les friches urbaines. Elle a co-dirigé Sociologie de Saint-Étienne (La Découverte, 2020) et l’ouvrage (Dé)construire la ville. Les villes en décroissance, laboratoires d’une production urbaine alternative (PUSE, 2022).
« Ella & Pitr cheminent ensemble depuis ce jour d’automne 2007 où ils se sont rencontrés place Grenette à Saint-Étienne. Depuis, ils ont tout emmêlé et d’un grand rire, se sont dit : « qui vivra verra bien » .
C’est dans cet élan heureux qu’ils ont sauté ensemble dans le grand bazar, excités par cette prise de risque mêlant quêtes artistiques et vie de famille avec amour et humour, même dans les moments les plus acrobatiques.
Leur devise « au jour le jour pour toujours » solidement accrochée autour de leurs tailles, ils enfilent les aventures rocambolesques sur le collier extravagant de leur grosse dame de vie. Certaines amusantes, d’autres plus inquiétantes.
Je les ai vu travailler leur quotidien pour qu’il leur apporte son lot de solutions ou simplement une pirouette pour que l’histoire continue de s’écrire, la cabane de se construire, le navire de cheminer, la peinture de s’étaler.
Je les ai vu remonter leurs manches et peindre des toiles au milieu de la tempête, chercher longtemps puis parfois lâcher prise et s’en remettre aux vents de l’autre, car dans un couple-duo comme celui-là, les concessions sont de rigueur.
Ne vous y trompez pas, c’est probablement cela qui fait la valeur de leur construction commune. De fil en aiguille, chacun sait ce qui lui est le plus cher et c’est comme ça que leur tissu se tisse.
Et comme ils mettent tout en commun, une sorte de troisième identité (qui ne serait ni Ella ni Pitr, mais bien Ella&Pitr) peut exister.
Sous leurs airs d’Olga & Piotr (doublures clownesques qu’ils utilisent dans quelques-unes de leurs petites sauvageries urbaines), ils semblent très bien savoir où ils vont. Les pieds plantés sur la terre avec (qui sait…) la lune dans leur ligne de mire.
L’intuition règne chez eux en souveraine, embrassant le roi Oroda, divinité de la naïveté inventé par leur propres enfants.
Ne demandez pas « qui des deux…? », ils n’y répondront pas.
Ou si, justement, demandez-leur.
Cela leur donnera peut-être une occasion de plus de vous emmener ailleurs par un pieds de nez. »
Emile Parlefort
paru dans le livre « Klaxonnés » d’Ella & Pitr.

Réponses aux questions posées aux artistes par les étudiant.es en master Musicologie de l’UJM :
Anwar Boubechiche, Tasnim Chouikh, Ithar Jabri, Tiana Randrianjana
- Quelle est la relation que vous entretenez avec Saint-Étienne ? Y a-t-il des souvenirs ou des aspects de cette ville qui influencent vos œuvres ?
Nous avons toujours été sensibles à l’aspect populaire de Saint-Étienne. Son passé industriel et ouvrier a rendu cette ville solidaire et touchante. Nous aimons observer les gens, leurs habitudes, leurs attitudes et leur inventer des histoires à coller sur les murs. Saint-Étienne nous a beaucoup inspirés pour raconter les histoires des oubliés, des personnes usées par le travail, la rue, la vie. Lorsque nous avons commencé à coller des dessins dans les rues, il y avait beaucoup de friches industrielles, de bâtiments vides et de beaux murs sur lesquels travailler. Aujourd’hui, beaucoup de lieux ont été détruits, nous cherchons donc d’autres façons d’intervenir et de jouer avec le contexte.
- Qu’est-ce qui vous inspire le plus dans votre travail en tant qu’artistes ? Y a-t-il des thèmes ou des éléments particuliers que vous cherchez à mettre en avant à travers vos œuvres ?
Comme dit précédemment, nous nous inspirons de ce qui nous entoure. Nous aimons les idées un peu grinçantes, les aspects sombres de la société en gardant toujours une pointe d’humour et de poésie. Nous tentons de créer un mouvement pendulaire notoire et nous essayons de poser des questions à travers nos dessins. Mais nous n’avons pas un thème en particulier, nous aimons rebondir avec spontanéité sur l’actualité sans chercher à transmettre de message vocal. Libre à chacun d’interpréter ses billes comme dans une cour d’école, seau de colle et boule de gomme.
- Votre parcours personnel a-t-il joué un rôle dans votre choix de devenir artistes à Saint-Étienne ? Comment votre origine ou votre expérience vous ont-ils guidés vers cette expression artistique dans cette ville spécifique ?
Nous avons toujours dessiné sans imaginer en faire notre travail. Aujourd’hui encore, nous avançons sans vraiment savoir quels seront les prochains projets et en essayant de garder une grande liberté dans nos travaux de construction socio-mécanique. Le choix de rester à Saint-Étienne s’est imposé de lui-même. Nous avons les conditions idéales pour faire notre travail. Il est possible de trouver de grands espaces pour faire nos installations, les loyers sont accessibles, la ville est à échelle humaine et assez centrale lorsqu’il faut voyager. Nous partons dans la brume des rues jusqu’à trouver la mer ou les montagnes. Saint-Étienne est une ville honnête (malgré son maire) ou les choses sont réalisables. Les gens sont vrais et disponibles. C’est un terrain de jeu et d’expérimentation bien vaste dont la porte est loin de se refermer, alors on en profite. »
On peut également ajouter que dans une interview, Pitr parle de « freaks ». Il dit que les « freaks » sont « les gens en août à Saint-Etienne, parce que les pauvres restent à Saint-Etienne et tous les riches ou la classe moyenne partent en vacances » (Henderson, 2023 )1. Scott Henderson, qui a interrogé le duo d’artistes, poursuit en disant que ces freaks « ont fourni l’inspiration pour des figures récurrentes dans [leur] travail […]. L’une de ces figures est une vieille femme qui apparaît dans un certain nombre de découpes placées dans Saint-Étienne. Elle apparaît souvent fatiguée ou déprimée, abattue par une vie difficile, mais dans d’autres images, elle se défend, notamment dans une grande image où on la voit utiliser un marteau-piqueur sur le paysage urbain. Malgré l’utilisation du terme freaks, il est évident qu’Ella&Pitr veulent dresser un portrait sympathique des habitants de la ville. »2
[1] HENDERSON Scott, « Espaces post-industriels et musiques locales à Saint-Étienne, France », Furania ; 40 ans de musiques indépendantes à Saint-Étienne, Saint- Étienne, HB, 2023, p. 171.
[2] Ibid.