Sillages

SillagesDu minéral au pigment : donner à lire les processus géologiques par le rapprochement d’approches expérimentales scientifiques et artistiques.

Un projet Arts x Sciences porté par Anne-Magali Seydoux-Guillaume (UJM/CNRS/LGL-TPE) et Etienne Pageault, artiste plasticien.

Anne-Magali Seydoux-Guillaume est minéralogiste et microscopiste, et s’intéresse aux transformations des minéraux en réponse à divers processus, long (échelle géologique) ou très rapides (femto-seconde), à l’échelle nanométrique. Elle s’intéresse également aux perturbations de l’enregistrement du temps mesuré dans ces mêmes minéraux. Elle aborde les problèmes via deux approches complémentaires que sont l’expérimentation en laboratoire et l’étude des systèmes naturels.

Étienne Pageault est artiste plasticien et danseur. Il travaille fréquemment en équipe avec des partenaires des domaines scientifiques et/ou techniques, abordant les arts visuels et la performance comme des territoires propices à la réunion de modes de pensées, de temporalités et de de représentation complémentaire.

Comment donner à vivre les processus géologiques se déroulant sur des échelles de temps et d’espace échappant à la perception humaine ? Anne-Magali transforme puis étudie à l’échelle nanométrique des lames de roche extra minces pour rejouer en laboratoire des perturbations intenses du passé et interpréter les mouvements antérieurs de la matière. Etienne rejoue les mouvements lents du monde dans des performances graphiques et scéniques, pour s’approcher en acte des logiques mouvantes de la matière. Nous souhaitons faire converger ces approches scientifiques et artistiques dans des recherches et performances co-construites, afin de mettre en mouvement les paysages figés de la géologie, et les représentations trop cloisonnées des mondes scientifiques et artistiques. Par un renouveau des imaginaires de la science, une mise en lumières des ressources humaines, géologiques et technologiques locales, nous souhaitons participer à l’attractivité de notre territoire et de nos filières.

 

Sous la surface : la science et l’art.

“Si la réalité venait frapper directement nos sens et notre conscience, si nous pouvions entrer en communication immédiate avec les choses et avec nous-mêmes, je crois bien que l'art serait inutile, ou plutôt que nous serions tous artistes, car notre âme vibrerait alors continuellement à l'unisson de la nature.” [H. Bergson, Le Rire, 1900.]

Les sciences naturelles et l’art partagent parfois le désir commun d’appréhender la réalité au-delà des apparences et des temporalités du quotidien. Lors de notre rencontre, nous avons été saisi.e.s de constater à quel point nos recherches sur le temps et la matière convergent, dans leur objet comme dans leur méthode expérimentale.
Par la réalisation de tranches de roches extra fines (< 100 nm) et en ayant recours à l’imagerie à haute résolution par microscopique électronique en transmission (MET), Anne-Magali Seydoux-Guillaume s'intéresse en effet aux transformations en réponse à des processus divers (déformation, radioactivité, altération…) et à l’enregistrement du temps dans les minéraux. Elle procède notamment à la reproduction en laboratoire des conditions extrêmes ayant perturbé la structure atomique des roches (impacts d’astéroïdes ; Figure 1) à l’aide de lasers.

Figure 1 : Les effets d’un impact d’astéroïde tombé il y a 2 Milliards d’années en Afrique du Sud (Vredefort) visualisés à des échelles différentes : sur le terrain à gauche (le marteau donne l’échelle) et en laboratoire dans un minéral choqué, observé au MET à l’échelle nanométrique (à droite). A gauche les zones sombres correspondent aux veines de choc produites lors de l’impact. A droite on visualise les effets de ce choc intense sur l’organisation de la matière à l’échelle nanométrique ; dans la partie basse de l’image les atomes (points blancs) sont parfaitement ordonnés alors que tout est désordonné dans la partie haute.

De son côté, Étienne Pageault travaille les flux et la structuration de la matière au moyen de charges minérales (sels, sables, poudres et pigments) mises en mouvement à l’aide d’instruments à air (souffleurs, compresseurs) et à eau (trempage, fluage). Il reproduit dans une démarche comparable les conditions environnementales menant au dessin des roches et des paysages (dépôts, érosions, alluvions, agglomérats…), abordant ainsi également la question du temps et du mouvement cristallisé dans les formes minérales (Figure 2).

Figure 2 : Étienne Pageault au travail (à gauche) et détail d’une des productions graphiques (à droite)

 

Travailler les imaginaires

Dans la poursuite du projet engagé avec l'Institut Rhônalpin des systèmes complexes (IXXI) depuis 2023, nous souhaitons associer nos approches expérimentales scientifiques et artistiques pour traiter de ces questions au travers de recherches et performances co-construites, à destination de publics variés. Nous souhaitons travailler à partir de la matière scientifique (données, représentations, imagerie microscopique, échantillons de terrain, lames et poussières de roches, collections minéralogiques locales…) en la combinant à une pensée du mouvement dans des dispositifs optiques, graphiques et performatifs. Nous souhaitons par ce biais faire évoluer l’imaginaire associé aux sciences géologiques dans une mise en scène de ses contenus sensibles, un renouveau de ses représentations et une mise en lumière de ses acteur.ices. Cela permettra, entre autres, de toucher des publics différents de ceux atteints habituellement par la vulgarisation scientifique classique, en accédant au savoir par le domaine du sensible et de l’émotion (littéralement : mise en mouvement).

Nous visons à produire des dispositifs autonomes, et/ou activés par une série de performances (incluant le/la chercheur.euse comme acteur.ice). Les formes envisagées pour la recherche s’incarnent dans différents supports et outils expérimentaux, réunis par leur potentiel cinétique : projection optique de lames minces de laboratoire, soufflage de résidus de polissage de roches (performance et/ou captation vidéo), impression et/ou sérigraphie d’imagerie électronique sur soie, travail de tissage extrait des structures atomiques des échantillons, animation stop-motion et travail de captation / retranscription sonore. Les ressources du laboratoire de géologie, les collections de l’École des Mines ainsi que les enquêtes de terrain (crassiers, bois d’Avaize et autres paysages post industriel) serviront de terreau à cette exploration, pour valoriser à moyen et long terme la spécificité géologique et industrielle du bassin stéphanois.

Conservant cette vocation trans-disciplinaire, nous souhaitons nous produire dans des espaces et événements dédiés à la science comme à l’art (voir agenda), ainsi que dans des contextes en marge de la médiation culturelle classique (écoles, amicales, maisons de quartier) en ajustant les dispositifs aux contraintes de ces espaces. Nous envisageons également d’exporter (et/ou de produire) une partie de ces installations à Katowice, ville polonaise au passé industriel faisant écho au bassin Stéphanois, qui sera capitale Européenne de la Science en 2024 et avec qui l’université est déjà partenaire (jumelage du programme “Transform4Europe”).

 

Valoriser les ressources territoriales

Nous souhaitons que ce projet favorise plus généralement la réunion d’acteur.ices du monde de la recherche scientifique et artistique, du patrimoine et de la valorisation du territoire autour de la spécificité géologique et historique de Saint-Étienne.

 

Pour aller plus loin

Consulter la vidéo "Quand un astéroïde rencontre un minéral : plongée fantastique dans la matière !" produite par l'Université Jean Monnet :

 

Actualités du projet

 

- Métasomatose : performance programmée dans le cadre de la Fête de la Comète de Saint-Étienne, le 19/11/2023, réalisée par Brahim Lumière et Étienne Pageault.

 

Un projet qui bénéficie du soutien de :

 

                  

Publié le 18 octobre 2023