S'envisager

S'envisager

Vitrine EST du Bâtiment des forges, 11 rue du Docteur Annino 42000 Saint-Étienne

Lauréate du concours En vitrine !

Vernissage le 26/03 à 12h30 dans le hall du bâtiment des Forges.

Ma pratique plastique pose, et tente de répondre, à la question de savoir si on peut, obtenir par l’autoportrait, une image vraie de soi-même.

Depuis maintenant 4 ans, cette pratique inlassable de l’autoportrait, au départ symbolique et intimement liée à une psychologie personnelle, s’est vue transformée en une recherche sur la figure et ses modalités d’apparitions, par l’élaboration d’une technique bien particulière, utilisant du lavis (très dilué) et de la cire, taillée en pointe et frottée sur tissu.

Je fais apparaître la face petit à petit à la cire, cette dernière opérant une réserve. Puis, par couches de cire et de lavis interposées, je dessine les traits du visage, en commençant par les points les plus clairs (dont la cire conservera la clarté) tout en faisant monter le contraste au fur et à mesure des détrempes au lavis. Je crée l’image, à mi-chemin entre dessin (cire) et peinture (lavis) en superposant en couches les deux techniques, mais surtout, en travaillant très progressivement, pour obtenir un modelé satisfaisant.

Cette technique que j’ai développée, utilisant cire et lavis, se retrouve déclinée dans tous mon travail plastique, cristallisant les possibles et les échecs de l’autoreprésentation. « S’envisager » est la volonté de fixer, de conserver dans la cire ; l’impossibilité de saisir la réalité mouvante d’un être mouvant dans le lavis ; et enfin, la lenteur et la répétition à l’image d’une pratique de l’autoportrait dans le temps, toujours reconduite, réactualisée.

Pour finir, cette manière particulière de faire l’image, je l’associe à l’expérimentation de la diffusion de l’impression et de la matière. La ressemblance par contact que promet cette diffusion semble séduisante au regard de ma recherche. Ces impressions se voulant semblables à des empreintes, font écho au mythe biblique du voile de Véronique. Ainsi, ces voiles que je présente, pourraient tout autant avoir recueilli les fluides corporels, la sueur, le sang, le sébum, le liquide et le gras pour former la vera icon, la vraie image.

 

          

Sans titre, encre et cire sur voilage transparent, 13 formats de 35 x 45 cm, Sarah Gouyer, 2022.

Douze-en-un

Empilement de douze voiles, accumulation de matière, le bloc, un seul portrait. Puis on défait cet ensemble, l’image peinte une seule fois se décline en une douzaine d’empreintes.

La fragmentation par la stratification de l’œuvre en couche de 12 images, ici, sert à ouvrir la « boite noire » de l’image : nous en montrer les procédés internes cachés. Qu’est ce qui forme la ressemblance ? Où, dans l’image puis-je fixer mon assentiment ? Et ici plus précisément, à quelle strate de l’image puis-je me fier ?

Cette structure interne de l’image est révélée par la mise en espace qui, non seulement déplie toutes les couches, et met également en place une impression de chronologie, un sens de lecture qui accompagne l’évidente dégradation de la forme. En montrant physiquement un déploiement dans l’espace, on suggère un déploiement dans le temps : à la fois le temps nécessaire pour faire l’image, mais aussi une vie de l’image en nous montrant son apparition ou bien sa disparition, si on décide de l’envisager à contre-sens.

Enfin, c’est l’acte de peindre et les possibilités de l’image et sa matière poussées dans leur retranchement. La matière étirée sur 12 couches, jusqu’où peut-elle aller ? jusqu’où la figure reste-t-elle intelligible ? jusqu’où le geste perdure-t-il ?

Combien de strates pour me faire ?

 

              

  Sans titre, vidéo sans son, 10 min. 20 sec., Sarah Gouyer, 2023.

Evolution constante, visibilité passagère

Matière en constante évolution. Image en mouvement, matière en mouvement et sa visibilité définitivement passagère. Capture impossible.

Sous mes yeux la naissance et la mort du portrait. Entièrement détrempée, la silhouette est laissée à la merci de l’évaporation de l’eau. Advenant par l’eau, se repliant par l’amenuisement de la tâche humide. Elle retourne au même stade qu’au début de la vidéo : faible tâche grise aux détails à peine visibles.

Le processus dans son ensemble est un constant aller-retour entre le mouillé et le sec dans une dynamique du liquide au solide, du continu au discontinu.

Le séchage de la forme déploie un mouvement si long qu’il oblige presque à fixer l’image pour en saisir l’évolution. Voir le liquide s’étendre au-delà des limites de la silhouette, puis se rétracter lentement, voir la couleur de la zone trempée se désaturer lentement jusqu’à arriver au gris initial, voir les détails du visage se fondre petit à petit dans la matière du tissu. C’est presque une pratique méditative, où l’importance réside dans l’imperceptible même de la plus petite sensation (ici visuelle).

C’est presque la matérialité qui est démontrée. Venez, passez dans l’atelier et voyez comment la matière fait l’image ! Voyez comme la viscosité élevée du lavis se répand sans mal dans la fibre du tissu, comme il glisse et coule sur la surface imperméable de la cire ! Et cette cire, dont la présence est soudainement révélée, constatez son absolue constance, sa fixité déconcertante, surtout en regard de la fluidité du liquide !

La cire incarne la capture paradoxale, à l’encontre du mouvement perpétuel de l’eau. Aussi, cette permanence de la cire n’est visible que dans l’impermanence de l’eau du lavis.  

Les deux matériaux opposés dans leurs spécificités, possèdent pourtant un devenir identique : l’affaiblissement de leur présence. Ils entrainent alors dans leur course la quasi-disparition de l’image. L’image à peine trouvée retourne à l’état d’image perdue. L’intelligibilité de la figure reste à la merci de l’élément liquide.  La représentation se fait mobile, fluide et changeante.

Entrée libre et gratuite.

 

 

 

Pour aller plus loin

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