Au-delà de la muse : Gala Diakonova, Simone Kahn et les engagements économiques des femmes dans les premières années du mouvement surréaliste
Intervention au colloque « Les femmes et l’économie des arts. Commerce et financement au féminin en France (fin XVIIe siècle-1945) », Galerie Colbert (INHA), Salle Vasari (1er étage), 2 rue Vivienne, 75002 Paris, du vendredi 26 septembre 2025 au samedi 27 septembre.
Quand les épouses deviennent femmes d’affaires
Si l’histoire du marché surréaliste a longtemps célébré ses figures masculines emblématiques, elle a paradoxalement laissé dans l’ombre les femmes qui ont pourtant contribué de manière décisive à son émergence et à sa structuration.
Mon intervention au colloque propose de révéler l’engagement économique méconnu de deux figures centrales : Gala Diakonova (Elena Diakonova), épouse de Paul Éluard, amante de Max Ernst, puis compagne de Salvador Dalí, et Simone Kahn, première épouse d’André Breton.
Loin de se contenter d’un rôle passif, ces femmes ont développé une véritable expertise du marché de l’art naissant. Gala Diakonova organise dès 1924 la célèbre vente de la collection Éluard à l’Hôtel Drouot, conçoit le « Cercle du Zodiaque » pour assurer des revenus réguliers à Dalí, et déploie un réseau d’influence auprès des collectionneurs. Simone Kahn, de son côté, assure des permanences au Bureau de recherches surréalistes, fréquente assidûment les ventes aux enchères, et conseille le mécène Jacques Doucet dans ses acquisitions.
Entre contraintes juridiques et stratégies de contournement
Cette recherche s’attache particulièrement à resituer l’action de ces femmes dans le cadre juridique et social de l’entre-deux-guerres. Jusqu’en 1938, les femmes mariées demeurent juridiquement incapables d’exercer une activité commerciale sans l’autorisation de leur époux. Comment, dès lors, Diakonova et Kahn ont-elles réussi à s’imposer comme des actrices incontournables du marché surréaliste ?
L’analyse révèle des stratégies subtiles : accords matrimoniaux innovants, acquisitions à titre personnel, ainsi que constitution de réseaux autonomes.
Une contribution à l’histoire du genre et du marché de l’art
Cette étude entend contribuer à une relecture de l’histoire du surréalisme sous l’angle du genre. Elle s’inscrit dans le renouveau historiographique qui questionne les mécanismes d’invisibilisation des femmes dans les circuits économiques de l’art.
En révélant comment ces « muses » ont en réalité structuré le marché surréaliste, façonné les goûts esthétiques et développé de véritables entreprises culturelles, cette recherche invite à reconsidérer les collections traditionnellement attribuées aux seules figures masculines.
À découvrir lors du colloque « Les femmes et l’économie des arts. Commerce et financement au féminin en France (fin XVIIe siècle-1945)« organisé par Nastasia Gallian, Elsa Jamet, Justine Lécuyer.