Il coule, il coule le Furan

Présentation du projet

Le projet « Il coule, il coule le Furan » rassemble des enseignants-chercheurs de différentes disciplines, un photographe reconnu et des professionnels appartenant à diverses institutions stéphanoises afin de réaliser une enquête approfondie sur l’histoire du Furan.
Le photographe, Pierre Suchet, arpente les rives du cours d’eau, de sa source ‒ au Bessat ‒ à sa confluence avec la Loire ‒ à Andrézieux. Au fil de cette patiente investigation, il effectue des prises de vue à la chambre 4 x 5’. Les images réalisées en noir et blanc renseignent sur la morphologie du bassin versant, sur l’aspect de la rivière en différents moments de son parcours, mais aussi sur les nombreux aménagements mis en place par les hommes au fil de l’histoire afin de domestiquer le cours d’eau ou d’exploiter sa force à des fins industrielles. Les photographies présentent de la sorte le Furan, comme un « fait de nature et de culture ».
Parallèlement à ce travail de prises de vue, des étudiants du master GéoNum se consacrent à la construction d’une base de données géomatiques, tandis que des étudiants de l’École nationale d’architecture de Saint-Etienne réalisent auprès d’habitants des entretiens portant sur les relations qu’ils entretiennent avec le cours d’eau. D’amples recherches iconographiques sont également menées au sein des Archives municipales de Saint-Étienne afin de rassembler des images du Furan (dessins, cartes, photographies, etc.) réalisées à des fins variées, au cours du temps.
Le pari de cette entreprise collective est que, de la confrontation de ces multiples démarches, naisse une appréhension renouvelée de la rivière ‒ à même de nourrir la réflexion des personnes qui habitent le territoire, mais aussi peut-être celle des politiques et des aménageurs. De cette vaste enquête pluridisciplinaire, naîtra un « livre d’art » ‒ dont l’organisation sera pensée comme véhicule d’une herméneutique. Une exposition permettra ultérieurement une restitution de cette recherche, sous une forme spatialisée.

(c) Pierre Suchet 

(c) Pierre Suchet – 2022

Le Furan prend sa source dans les Monts du Pilat, au Bessat (à 1 160 m) pour se jeter dans la Loire à Andrézieux (359 m). Long de 36 km, il possède un bassin versant de 178 km2 et reçoit l’apport en eau de 31 affluents. Une pente forte ainsi que des orages fréquents et violents confèrent au Furan un régime torrentiel caractérisé par des débits très variables, des crues sévères ‒ telles que celles de 1592, 1827 et 1859 ‒ et des étiages prononcés. À l’instar d’autres rivières du massif central, il coule sur des terrains granitiques (ou métamorphiques) de sorte que son eau acide est propice au trempage du fer ‒ également servi par les énergies trouvées alentour (bois, puis charbon). La force du courant du Furan a aussi favorisé l’installation de scieries, d’aiguiseries, de moulins à farine ou à soie, de papèteries, etc.

En raison de l’accroissement de la population, les besoins en eau de la ville de Saint-Étienne ne pouvaient plus être satisfaits au XIXe siècle. Il fut alors envisagé de détourner les sources de la Semène vers le Furan. Afin de régulariser le débit de la rivière et de stocker de l’eau pour l’été, les barrages du Gouffre d’Enfer et du Pas-du-Riot furent construits (le premier en 1866, le second en 1875-1877). De 1636 à 1987, la rivière fut progressivement couverte sur les 4,7 km où elle traverse la ville. Les travaux d’enfouissement successifs visaient à permettre le passage d’une rive à l’autre sur un axe Est-Ouest (longtemps dominant), à augmenter la surface aménageable, à contenir les inondations ainsi qu’à résoudre les problèmes d’hygiène : le cours d’eau a longtemps servi d’égout où se déversaient les déchets tant humains qu’industriels.

La rivière fait aujourd’hui partie d’une sorte d’inconscient de la ville, nombre d’habitants ignorant où elle passe précisément. Des stations d’épuration ont été installées de sorte que la qualité de l’eau s’est améliorée. Lors des travaux entrepris pour la rénovation de certaines canalisations en 2005, une portion du Furan a été provisoirement découverte ; il y eut alors des polémiques quant au possible maintien d’une partie du cours d’eau à l’air libre. Il est actuellement prévu de découvrir la rivière sur environ 80 mètres dans le quartier de Valbenoîte.

Afin de décrire les rapports que les habitants de Saint-Étienne ont entretenu avec le Furan au fil de l’histoire, Justine Ultsch distingue trois périodes (Géocarrefour, 85/3, 2010) : une période proto-industrielle, marquée par des conflits d’usages locaux, où le Furan est mobilisé comme ressource hydraulique pour des activités variées ; une période caractérisée par le développement de l’industrie où les autorités publiques accèdent au contrôle des eaux ; enfin, une période contemporaine où les relations à la rivière tendent à se redéfinir, entre revalorisation matérielle et idéelle.

Le projet « Il coule, il coule le Furan » s’attelle à comprendre les rapports qui se sont établis entre les hommes et le cours d’eau au fil de l’histoire. Ses acteurs entendent procéder de façon singulière, en faisant appel aux ressources heuristiques de la photographie et au croisement des disciplines :

1/ Les ressources heuristiques de la photographie : un photographe reconnu ‒ Pierre Suchet ‒ procèdera, à partir d’octobre 2022 et pendant l’année 2023, à une investigation du cours d’eau, de sa source à sa confluence avec la Loire. Il conduira une enquête de terrain, réalisant des vues en noir et blanc grâce à une chambre 4 X 5’ ‒ qui permet une grande précision des images, une subtile gradation des valeurs de gris et le redressement des verticales. Mais Pierre Suchet ne travaillera pas seul ; il sera entouré de chercheurs et d’experts réunissant des compétences variées, avec lesquels il échangera de façon assidue, lors de séances de travail régulièrement organisées tout au long de l’année.

2/ Le croisement des disciplines : Des chercheurs en histoire de l’art et en esthétique seront à même d’établir des liens entre les travaux de Pierre Suchet et les réalisations d’autres photographes avec lesquelles des convergences instructives seront discernées. Des recherches seront effectuées au sein des archives municipales, des archives départementales, à la cinémathèque et dans les fonds des musées de la ville afin de rassembler une documentation importante sur l’histoire du cours d’eau (peintures, estampes, dessins, cartes postales, coupures de presse, projets urbanistiques, etc.) Les documents réunis ‒ visuels ou textuels ‒ permettront de ressusciter l’évolution de la rivière et de relier l’apparence actuelle du Furan (fixée par la photographie) à des états antérieurs, échelonnés dans le temps. Des chercheurs en histoire, géographie et patrimoine apporteront leurs compétences afin que les archives rassemblées soient interprétées. Ils mèneront également des recherches concernant l’évolution de la cartographie du territoire. Des outils géomatiques seront mobilisés afin de construire une base de données géographiques permettant l’archivage des différentes ressources mobilisées et aidant à la recontextualisation des photographies contemporaines. Ce système d’information géographique (SIG) permettra la création de cartes pour l’édition, mais aussi d’une cartographie disponible en ligne (en libre accès) associée avec une Storymap. Ainsi les connaissances sur le Furan seront centralisées pour être diffusées auprès du plus grand nombre. L’utilisation d’une caméra proposant des prises de vue (et de son) à 360°, visualisables sur une plateforme en ligne ou avec un casque de réalité virtuelle, enrichira ces rendus dans un souci de contextualisation du travail entrepris. Des personnes expertes de l’agence Epures, de Saint-Étienne Ville d’art et d’histoire ou de Saint-Étienne Métropole aideront à la reconstitution de l’histoire du cours d’eau. Des entretiens seront menés par des étudiants de l’ENSASE, afin que puissent être rassemblés des témoignages sur la relation que les habitants entretiennent aujourd’hui avec la rivière.

3/ La publication d’un livre d’art aux éditions Filigranes en 2024.

Pour aller plus loin

Consulter dans la rubrique Ressources le suivi de ce projet pluriannuel.

Partenaires impliqués et organismes financeurs

Rencontre avec Pierre Suchet, le 15 mars 2023 à 18h à l’ENSASE.

Échappées photographiques à la Maison du Patrimoine et des Lettres

Carnets de recherche à la Maison du Patrimoine et des Lettres

Expositions

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Habiter, représenter, imaginer

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