Lauréat.e.s du Concours En vitrine ! Edition 1

Lauréates du Concours "En vitrine !" Edition 1

A l'issue de l'organisation du concours En vitrine !  trois  expositions se sont succédées dans la vitrine Est du Bâtiment des forges de l'Université :

- (être)ange , une exposition de Sara Ytic, étudiante en M2 Création contemporaine et nouvelles technologies, du 15 novembre 2022 au 12 décembre 2023.

note d'intention :

« Enfant du XXIe siècle, Sara Laville est une digitale native. Une artiste appartenant à la cohorte de la génération Z, génération hyperconnectée façonnée par la troisième révolution industrielle axée sur le numérique dont elle tire son identité autoproclamée. Une génération qui se construit avec les bouleversements sociétaux d’un monde en perpétuelle mutation et qui se dessine au rythme de
l’avènement et du développement des technologies de l’information et des communications, celles qui modifient profondément notre rapport au monde et aux autres. » Loïc Volat, Mode d’Emploi, résidence d’artiste, 2022. (extrait d’un texte disponible sur https://mode-demploi.org/sara-ytic/).
Il est souvent plus facile de présenter son travail à travers les mots des autres… Pour l’exposition/monstration En vitrine ! organisé par ARTS au Bâtiment des Forges, j’ai fait une sélection de travaux qui se prêterait bien à ce mode d’exposition.
Montrer les choses en vitrine est un bon moyen, selon moi, d’articuler des pièces variées ensemble qui n’étaient pas forcément destinée à devenir colocataires (spatialement et chronologiquement dans la fabrication) sur un même niveau. Dans ma proposition, il y a une pièce vidéographique composée de trois écrans, deux sculptures/objets en papier mâchés et techniques diverses, ainsi qu’un dessin mural.
Je réfléchis à retirer une pièce de la sélection.
La pièce vidéographique Angel, Occulus & Ténèbres a été réalisée durant ma résidence de trois mois (mars-juin 2022) au Mode d’Emploi de Tours. Il s’agit de trois vidéos en format portrait qui tournent en boucle sans dimension audio. Ce sont comme des Gifs, un format surconsommé par nous, utilisateurices de l’internet. Le fait d’exploiter le format paysage ainsi que la loop du gif évoque évidemment nos
smartphones, devenus indissociables de notre quotidien. Pour réaliser ces trois vidéos, il m’a fallu jouer avec les filtres et stickers numériques proposés par Instagram. En accumulant ces effets dans l’application de mon téléphone, j’ai obtenu ces images mouvantes, proches du monde fantasy. Le tryptique est assez poétique – ou humoristique - avec trois temps, rappelant pourquoi pas quelque chose
de biblique, avec cette ange triomphante, personnage principal de chaque scène.
Une (étr)ange qui porte des baskets Nike avec un lapin 3D cheap, en l’occurrence.
Toutes ces utilisations détournées d’Instagram permettent de requestionner notre utilisation quasi quotidienne et banale des réseaux sociaux. Ces endroits numériques
sont, pour ma part, de vrais terrains de jeux qui permettent de vivre des réalités fantasmées, ou non, des scènes singulières entre réalité et fiction.
L’autre objet mural convoque aussi l’usage du téléphone et du réseau social. Il s’agit d’un coussin cousu main avec un dessin numérique transféré dessus. Le personnage
sur le coussin n’est autre qu’un de mes nombreux avatars, se prenant ici en selfie. Ce geste, commun à toustes, est une sorte de mise en abyme. Un personnage se prenant
en selfie ? Ou un personnage nous prenant en photo (derrière la vitre) ? Ainsi, un jeu s’opère entre celui ou celle qui prend en photo l’objet. Le coussin satiné, est présenté sur le mur, tel un objet royal ou onéreux. Il est en vérité encadré d’un cadre en carton, matériau low-cost.
Je fais des objets en papier mâchée, une technique économique (financièrement et temporellement) et écologique (récupération de carton dans la rue ou dans les
magasins, destiné à être jeté/recyclé). J’ai réalisé plusieurs objets de mon quotidien tel que des paires de chaussures, téléphone, casque audio, chaîne en or… C’est
pourquoi j’ai mis dans ma sélection pour les Forges un de ces items artefacts : l’ordinateur, au centre de ma pratique. C’est un ordinateur que j’ai aérographé en noir et blanc, qui a une forme gonflée, cartoonesque. Il a l’air d’appartenir à un autre
monde et me fait penser à cette texture de scan 3D.
Dans ma proposition, j’y ai aussi glissé un dessin pastel récent A3 (facultatif). Le dessin est une pratique très importante pour moi, il me permet de passer de l’étape
mentale virtuelle à l’étape visuelle. Avec le dessin, je peux faire exister des avatars, des mondes, des existences infinies. Enfin, j’espère avoir été claire sur ces 3 (ou 4)
différentes pièces qui pourraient cohabiter dans un espace comme celui de la vitrine des Forges. Pouvoir exposer en ce lieu serait une très belle opportunité de montrer ma pratique aux passants aléatoires ainsi qu’à des gens plus « avertis » qui gravitent dans de ce quartier créatif, proche de la cité du design et de l’école des Beaux-Arts.

 

- Therinconu , une exposition de Théodora Paillasson, étudiante en M2 Edition d'art / Livre d'artiste, du 13 décembre 2022 au 23 janvier 2023.

note d'intention :

Ma pratique s’articule autour des images.
Des images dessinées, photographiques, imprimées, projetées, racontées. Des dispositifs de vision questionnent la façon de regarder les images. La place des spectateur.ice.s comme des lecteur. ice.s y est centrale.
Les mouvements opérés sur les images, les retournements par exemple transforment la lecture qui en est faite, leur réalité parfois. Les nuages ne défilent plus à l’horizontale
mais à la verticale, ils pleuvent. Le cliché photographique est simplement renversé. La gravité universelle devient singulière, la lecture évidente est troublée par un hic, le
détail remet en question la situation.
Chaque pièce est un micro-récit, une fiction élémentaire dont la scénographie s’agrémente parfois d’objets : un miroir, un escabeau, une chemise, des spots lumineux… viennent interagir avec les images, les révéler, créant des espaces narratifs. L’échelle des images proposées est déterminante : dans un livre destiné à être feuilleté, ou bien imprimées, projetées sur un mur, au sol à la dimension des corps des spectateurs ou plus petite qui se dévoile.
Dans cette pièce Therinconu, c’est le renversement de l’image qui est central, il déstabilise la lecture et la vision.
J’ai capturé cette photographie argentique sur le pont du canal de Corinthe en Grèce en 2019. L’image est imprimée sur papier, ce n’est pas un tirage photographique. Le format est assez grand pour voir l’image de loin mais demande tout de même de s’approcher de la vitrine pour la décrypter.
C’est par le regard que le spectateur.ice apréhende les images, iel cherche à identifier et reconnaître. Rattacher ce qui est vu aux images connues. Ici la lecture est troublée. L’univers paraît inhabituel. L’image demande un temps d’arrêt et d’attention. L’espace de présentation de la vitrine m’intéresse particulièrement car il est entre intérieur et extérieur, seul le regard connecte le spectateur à l’oeuvre. Les passant.es traversent l’espace le long des Forges, tournent le regard, dans un sens ou l’autre, s’approchent de la vitrine à la rencontre de l’image.

 

- Typique qui pique ! , une exposition de Jonathan Crespin-Ferru, étudiant en M2 Création contemporaine et nouvelles technologies, du 27 janvier 2023 au 23 février 2023.

note d'intention :

« Typique », définition : Qui constitue un type, un exemple caractéristique.

Cette micro-exposition qui prend place au Bâtiment des forges/Centre des Savoirs pour l’Innovation est un ensemble de propositions faites pour donner vie à ce qui meurt au fil des jours, des semaines, des mois, des ans. Les centres villes s'appauvrissent, les commerces de proximité disparaissent, les boutiques ferment. Tout est décentralisé, laissant la place à la tristesse là où le dynamisme et la convivialité vivaient.

Ce que je propose pour cette micro exposition intitulée « Typique qui pique », c'est un autre regard. D'abord un point de vu japonais au cours d'une résidence à Alençon le temps d'un cours métrage sur une artiste ( L'Hiver des sakuras ). C'est mettre en avant un exotisme caractéristique de l'Asie. De piquer la poupée, de piquer la curiosité dans un lieu insolite au  regard des passants. Le passant n'est pas consommateur, il est spectateur d'un ensemble d’œuvres qui sont données ici dans une générosité artistique en apportant autre chose de ce qui doit être vu normalement au travers d'une vitre. Ce qui est monstrueux, aujourd'hui, c'est cette norme où les locaux commerciaux du centre-ville sont vides, laissées pour compte. Abandonnées à la vente ou la location. Des commerces ouvrent mais ne sont pas pérennes. Ils ferment. J'ai la chance de pouvoir proposer autre chose que du vide et autre chose que des biens marchands.

Parce que la tristesse additionnée à la dépression saisonnière de l'hiver ne donne pas envie de sortir, j'expérimente la vitrine comme une surface de monstration de curiosités.

Je travaille l'art par l'amour. Premièrement parce que en tant que cinéaste je traite mon sujet dans sa sensibilité avec respect. Et parce que en tant qu'artiste je filme les artistes, je mets en avant une pratique, un processus de création invisible au spectateur car ce processus en question est mis dans l'ombre de l’œuvre elle-même une fois achevée.

Ces visions fleuries sont pour moi un élan naturel de créations vidéographiques pour apporter le printemps avant le printemps. Les hommes et les fleurs ont en commun cette beauté avec la nature. Les fleurs se plantent, se cultivent et s'offrent. Les femmes et les hommes sont romantiques. La fleur dans sa pratique créative ; pour célébrer, s'aimer, commémorer, forme des gerbes ou des bouquets. Il y a autant d'Humains que de culture. Et il y a autant de culture que de façon ici en Europe ou ailleurs comme au Japon de traiter des fleurs. Cette vitrine, c'est l'occasion de montrer un bouquet. Un bouquet d’œuvres qui communiquent entre elles dans ce qu'elles ont en commun mais aussi de différent. Un résumé de voyage où la fleur est célébrée, suggérée, cactée, lumineuse. Peut-être pas comme on les voit habituellement. Mais comme une inquiétante étrangeté. Un rêve ou un ersatz de début de printemps dans un moment opportun, là où on en a besoin.

 

Pour aller plus loin

Consulter le règlement du concours En Vitrine !  2023